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L’Association pour la gestion du régime d’assurance des créances des salariés (AGS) couvre les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire et pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par ce jugement (C. trav., art. L. 3253-8, 2°).
En application des articles L. 641-9 (ici dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014) et R. 621-4, alinéa 2, du code de commerce, le jugement de liquidation judiciaire prend effet à compter de sa date.
Le présent arrêt (renvoi après cassation) règle la question de la couverture des sommes dues au salarié dont le contrat de travail a été rompu après l’ouverture de la liquidation judiciaire.
Censure de la Cour de cassation
En l’espèce, M. X… avait été embauché en 2001 par M. Y…, dont le fonds de commerce avait été confié le 1er août 2003 en location-gérance à M. Z… Le locataire-gérant ayant été mis en liquidation judiciaire le 5 décembre 2013, celui-ci avait informé M. X… de la résiliation du contrat de location-gérance et du transfert de son contrat de travail au propriétaire du fonds.
Le salarié avait saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail dirigée contre le liquidateur, avec effet de la résiliation au jour de la liquidation judiciaire de M. Z… et pour voir inscrire au passif de celui-ci diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts. Par jugement du 3 février 2017, la juridiction prud'homale avait fait droit à sa demande.
La cour d’appel :
— après avoir constaté que le fonds de commerce dans lequel travaillait M. X… était devenu inexploitable et que le transfert de l'exploitation de ce fonds à son propriétaire n'avait pu s'effectuer, de sorte qu'il appartenait au liquidateur de procéder au licenciement du salarié,
— et, ensuite, fixé la date de résiliation du contrat de travail à une date correspondant au jour du jugement qui prononçait la liquidation judiciaire de l'employeur, soit le 5 décembre 2013,
avait condamné l’AGS à garantir M. X… de sa créance salariale.
Mais la Haute juridiction ayant cassé cet arrêt, en censurant notamment la date à laquelle la résiliation judiciaire avait été arrêtée (Cass. soc., 20 oct. 2021, n° 19-25.700, Lamyline), les parties avaient été renvoyées devant le juge d’appel.
Dans ses conclusions, l’AGS sollicitait l’infirmation du jugement, soutenant que la date d’effet de la résiliation judiciaire devait être fixée au 3 février 2017, ce qui excluait sa garantie en application de l’article L. 3253-8, 2°, du code du travail, et ajoutant que l'absence de garantie devait entraîner le remboursement par le salarié des diverses sommes qu'elle lui avait versées.
Décision de la cour d’appel de renvoi
a) Date d'effet de la résiliation judiciaire et garantie de l'AGS
Il résulte de l’article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur.
Reprenant les termes de l'arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 2021 rendu au visa des articles précités, la cour rappelle que :
— d'une part, ni la liquidation judiciaire, ni la cessation d'activité qui en résulte, n'entraînent en elles-mêmes la rupture du contrat de travail ; d'autre part, les sommes en cause n'étaient pas dues à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, qui prenait effet dès la première heure du jour de son prononcé ;
— le contrat de travail n'avait pas été rompu par le liquidateur judiciaire dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire, de sorte que la garantie de l'AGS n'était pas due.
Il s'en déduit que :
— la date d'effet de la résiliation judiciaire doit être fixée au 3 février 2017, date du jugement du conseil de prud'hommes la prononçant, dès lors qu'à cette date le liquidateur n'avait pas encore mis en œuvre la procédure de licenciement ;
— cette date du 3 février 2017 étant postérieure à la période de garantie des salaires, l'AGS n'a pas à prendre en charge les sommes afférentes à la rupture.
b) Remboursement par le salarié des sommes indûment avancées
Dès lors que la garantie des salaires est exclue, le salarié est condamné à rembourser à l’AGS les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire de la décision prud’homale du 3 février 2017 (indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse), soit un total de 38 439,93 euros.
c) Fixation des créances salariales au passif
La résiliation judiciaire prenant effet le 3 février 2017 au lieu du 5 décembre 2013, il y a lieu de reconsidérer le montant des indemnités et dommages-intérêts dus au salarié : il ressort de ce nouveau calcul un total de 42 287,69 euros.
Responsabilité éventuelle du liquidateur judiciaire
Reprochant notamment au liquidateur de s’être abstenu de le licencier dans le délai légal de quinze jours, le salarié demande réparation des divers préjudices imputables à des fautes de celui-ci.
Toutefois, souligne la cour d’appel, "la juridiction prud'homale n'est pas compétente pour connaître de la demande incidente formée par un salarié pour obtenir la condamnation du liquidateur de la société qui l'employait à garantir le paiement des sommes fixées au titre des créances salariales au passif de la liquidation ainsi qu'au titre de sa responsabilité, une telle demande relevant de la compétence du tribunal judiciaire" (cf. : C. com., art. L. 625-1 et R. 662-3 ; CPC, art. 51).
Devant le tribunal judiciaire, le salarié devra distinguer ce qui relève :
— d'une action en responsabilité personnelle contre le liquidateur (mise en œuvre de la responsabilité personnelle du liquidateur en raison des fautes dans l'exécution du mandat) ;
— et d'une action contre ce dernier pris en sa qualités de liquidateur (reposant sur des fautes commises par l'employeur qu'il représente et aboutit à mettre à la charge du passif de liquidation les créances de réparation).
Rupture du contrat de travail après liquidation judiciaire : exclusion de la garantie des salaires
Affaires - Commercial
04/07/2022
Le liquidateur n’ayant pas mis en œuvre la procédure de licenciement à la date du jugement du conseil de prud’hommes prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail, postérieure à la période de garantie des salaires, l’AGS n’a pas à prendre en charge les sommes afférentes à la rupture. La juridiction prud’homale est incompétente pour connaître des préjudices imputables à d’éventuelles fautes du liquidateur judiciaire.
En application des articles L. 641-9 (ici dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014) et R. 621-4, alinéa 2, du code de commerce, le jugement de liquidation judiciaire prend effet à compter de sa date.
Le présent arrêt (renvoi après cassation) règle la question de la couverture des sommes dues au salarié dont le contrat de travail a été rompu après l’ouverture de la liquidation judiciaire.
Censure de la Cour de cassation
En l’espèce, M. X… avait été embauché en 2001 par M. Y…, dont le fonds de commerce avait été confié le 1er août 2003 en location-gérance à M. Z… Le locataire-gérant ayant été mis en liquidation judiciaire le 5 décembre 2013, celui-ci avait informé M. X… de la résiliation du contrat de location-gérance et du transfert de son contrat de travail au propriétaire du fonds.
Le salarié avait saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail dirigée contre le liquidateur, avec effet de la résiliation au jour de la liquidation judiciaire de M. Z… et pour voir inscrire au passif de celui-ci diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts. Par jugement du 3 février 2017, la juridiction prud'homale avait fait droit à sa demande.
La cour d’appel :
— après avoir constaté que le fonds de commerce dans lequel travaillait M. X… était devenu inexploitable et que le transfert de l'exploitation de ce fonds à son propriétaire n'avait pu s'effectuer, de sorte qu'il appartenait au liquidateur de procéder au licenciement du salarié,
— et, ensuite, fixé la date de résiliation du contrat de travail à une date correspondant au jour du jugement qui prononçait la liquidation judiciaire de l'employeur, soit le 5 décembre 2013,
avait condamné l’AGS à garantir M. X… de sa créance salariale.
Mais la Haute juridiction ayant cassé cet arrêt, en censurant notamment la date à laquelle la résiliation judiciaire avait été arrêtée (Cass. soc., 20 oct. 2021, n° 19-25.700, Lamyline), les parties avaient été renvoyées devant le juge d’appel.
Dans ses conclusions, l’AGS sollicitait l’infirmation du jugement, soutenant que la date d’effet de la résiliation judiciaire devait être fixée au 3 février 2017, ce qui excluait sa garantie en application de l’article L. 3253-8, 2°, du code du travail, et ajoutant que l'absence de garantie devait entraîner le remboursement par le salarié des diverses sommes qu'elle lui avait versées.
Décision de la cour d’appel de renvoi
a) Date d'effet de la résiliation judiciaire et garantie de l'AGS
Il résulte de l’article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur.
Reprenant les termes de l'arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 2021 rendu au visa des articles précités, la cour rappelle que :
— d'une part, ni la liquidation judiciaire, ni la cessation d'activité qui en résulte, n'entraînent en elles-mêmes la rupture du contrat de travail ; d'autre part, les sommes en cause n'étaient pas dues à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, qui prenait effet dès la première heure du jour de son prononcé ;
— le contrat de travail n'avait pas été rompu par le liquidateur judiciaire dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire, de sorte que la garantie de l'AGS n'était pas due.
Il s'en déduit que :
— la date d'effet de la résiliation judiciaire doit être fixée au 3 février 2017, date du jugement du conseil de prud'hommes la prononçant, dès lors qu'à cette date le liquidateur n'avait pas encore mis en œuvre la procédure de licenciement ;
— cette date du 3 février 2017 étant postérieure à la période de garantie des salaires, l'AGS n'a pas à prendre en charge les sommes afférentes à la rupture.
b) Remboursement par le salarié des sommes indûment avancées
Dès lors que la garantie des salaires est exclue, le salarié est condamné à rembourser à l’AGS les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire de la décision prud’homale du 3 février 2017 (indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse), soit un total de 38 439,93 euros.
c) Fixation des créances salariales au passif
La résiliation judiciaire prenant effet le 3 février 2017 au lieu du 5 décembre 2013, il y a lieu de reconsidérer le montant des indemnités et dommages-intérêts dus au salarié : il ressort de ce nouveau calcul un total de 42 287,69 euros.
Responsabilité éventuelle du liquidateur judiciaire
Reprochant notamment au liquidateur de s’être abstenu de le licencier dans le délai légal de quinze jours, le salarié demande réparation des divers préjudices imputables à des fautes de celui-ci.
Toutefois, souligne la cour d’appel, "la juridiction prud'homale n'est pas compétente pour connaître de la demande incidente formée par un salarié pour obtenir la condamnation du liquidateur de la société qui l'employait à garantir le paiement des sommes fixées au titre des créances salariales au passif de la liquidation ainsi qu'au titre de sa responsabilité, une telle demande relevant de la compétence du tribunal judiciaire" (cf. : C. com., art. L. 625-1 et R. 662-3 ; CPC, art. 51).
Devant le tribunal judiciaire, le salarié devra distinguer ce qui relève :
— d'une action en responsabilité personnelle contre le liquidateur (mise en œuvre de la responsabilité personnelle du liquidateur en raison des fautes dans l'exécution du mandat) ;
— et d'une action contre ce dernier pris en sa qualités de liquidateur (reposant sur des fautes commises par l'employeur qu'il représente et aboutit à mettre à la charge du passif de liquidation les créances de réparation).
Source : Actualités du droit