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Qualification d’un mandat exclusif de vente : effet sur la rupture fautive

Affaires - Droit économique
Civil - Contrat
09/03/2022
Un mandat de vente moyennant commission caractérise un mandat d’intérêt commun dont la rupture sans motif imputable au mandant doit donner lieu à indemnisation du mandataire.
Une société P confie à une société C un mandat exclusif de vente des produits de sa marque sur le territoire de la France entière, à l'exception de l'Ile-de-France, moyennant commission. Puis la société C décide de revoir son organisation commerciale en modifiant les secteurs géographiques confiés à chaque représentant et en informe la société P. Cette dernière la désapprouve et l’informe de sa décision de récupérer un secteur dès le début de l’année suivante, en cas de baisse du chiffre d'affaires. La société C, apprenant que la société P avait en effet confié le secteur sud-ouest à un tiers, lui notifie la rupture du contrat un mois plus tard. La société P refuse de lui régler une indemnité de rupture. La société C qui l'assigne en paiement voit sa demande rejetée par les juges du fond.
 
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 2004 du même code. En application du troisième de ces textes, si le mandant peut en principe librement révoquer sa procuration, cette révocation donne lieu à indemnisation lorsque le mandat a été donné dans l'intérêt commun du mandant et du mandataire, sauf cause légitime ou clauses prévues au contrat.
 
Pour rejeter la demande d'indemnité de rupture de la mandataire, l'arrêt a relevé que le contrat prévoyait, en cas de rupture du contrat à l'initiative de la mandataire fondée sur le non-respect par la mandante de ses obligations contractuelles afférentes au secteur géographique et aux commissions, le versement d'une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi au titre de la perte de clientèle. Mais, ne faisant pas expressément référence à l'article L. 134-12 du Code de commerce et renvoyant aux règles générales d'indemnisation du préjudice, il retient que le mandataire n'établit cette perte ni dans son principe ni dans son montant.
 
La cour d’appel a violé les textes précités alors qu'elle constatait que la société P avait consenti un mandat de vente des produits de sa marque à la société C moyennant commission et ainsi caractérisé l'existence d'un mandat d'intérêt commun entre les parties, et que la rupture, intervenue sans motif légitime, était imputable à la société P.

En d’autres termes, comme le précisait le pourvoi, il existait bien « un accord entre les parties sur le fait que la rupture du contrat imputable au non-respect par la mandante de ses obligations contractuelles causait nécessairement une perte de clientèle à la mandataire, seul son montant restant à évaluer par le juge suivant les règles légales et jurisprudentielles en vigueur, de sorte que cette dernière n'avait pas à prouver l'existence de son préjudice ». Et le juge ne pouvait « refuser d'en évaluer le montant au prétexte d'une insuffisance des preuves fournies par les parties. »
 
Voir Le Lamy Droit du contrat, n° 2002 et Le Lamy droit économique, n° 4224.
Source : Actualités du droit