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Conseil de l’Europe : adoption de lignes directrices sur les preuves électroniques dans les procédures civiles et administratives

Tech&droit - Données
Civil - Procédure civile et voies d'exécution
01/02/2019
Le Comité des ministres a adopté, le 30 janvier 2019, trente-cinq lignes directrices portant sur le recours aux preuves électroniques dans les procédures judiciaires. Leur objectif : faciliter l’utilisation et la gestion de ces preuves dématérialisées dans les systèmes juridiques et dans la pratique juridictionnelle.
 
Ces lignes directrices constituent le premier instrument international en la matière. Elles ambitionnent d’aider les 47 États membres à adapter le fonctionnement de leurs mécanismes de règlement des litiges (judiciaires ou autres), afin de remédier aux problèmes que posent les preuves électroniques dans les procédures civiles et administratives.

Le Conseil de l’Europe rappelle que/qu’ :
  • il appartient aux juridictions de se prononcer sur l’éventuelle valeur probante des preuves électroniques, conformément au droit interne ;
  • les preuves électroniques devraient être appréciées de la même manière que les autres types de preuves, en particulier pour ce qui est de leur recevabilité, leur authenticité, leur exactitude et leur intégrité ;
  • Le traitement des preuves électroniques ne devrait pas être défavorable aux parties ni donner à l’une d’elles un avantage indu.
 
Les lignes directrices portent sur :
  •  le recueil à distance des preuves orales ;
  •  l’utilisation des preuves électroniques ;
  •  la collecte, la saisie et la transmission de preuves ;
  •  la pertinence ;
  •  la fiabilité ;
  •  le stockage et la conservation ;
  •  l’archivage ;
  •  la sensibilisation, le suivi, la formation et l’éducation.
Ces recommandations n’ont pas pour finalité de conférer une valeur probante particulière à certains types de preuves électroniques et ne doivent s’appliquer que dans la mesure où elles n’entrent pas en conflit avec la législation nationale.
 
 

Le point sur ces lignes directrices

Le recueil à distance des preuves orales
1.  Le recueil des preuves orales peut se faire à distance, grâce à des dispositifs techniques, si la nature des preuves le permet.
2. Pour déterminer si le recueil à distance des preuves orales est possible, les juridictions devraient tenir compte notamment des facteurs suivants :
-            l’importance de la preuve ;
-            le statut de la personne qui témoigne ;
-            la sécurité et l’intégrité de la liaison vidéo grâce à laquelle le témoignage doit être transmis ;
-            les coûts et les difficultés occasionnés par la comparution de l’intéressé devant la juridiction.
3. Lorsque les preuves sont recueillies à distance, il est indispensable de veiller à ce que :
a.    la transmission des preuves orales puisse être vue et écoutée par les personnes participant aux débats ainsi que par le public lorsque les débats lui sont ouverts ; et
b.    la personne qui est entendue à distance puisse voir et écouter les débats autant que nécessaire afin de s’assurer que la procédure est équitable et effective.
4. La procédure et les technologies appliquées au recueil de preuves à distance ne devraient pas compromettre la recevabilité de ces preuves et la capacité de la juridiction à établir l’identité des personnes concernées.
5 Que la preuve soit transmise au moyen d’une connexion privée ou publique, il convient d’assurer la réalisation d’une visioconférence de qualité et de crypter les signaux vidéo pour les protéger de toute interception.
 
Utilisation des preuves électroniques
6. Les juridictions ne devraient pas refuser les preuves électroniques et ne devraient pas les priver d’effet juridique au simple motif qu’elles ont été collectées et/ou présentées sous forme électronique.
7. Les juridictions ne devraient pas, en principe, priver les preuves électroniques d’effet juridique au simple motif de l’absence d’une signature électronique avancée, qualifiée ou sécurisée de manière équivalente.
8. Les juridictions devraient être conscientes de la valeur probante des métadonnées et des éventuelles conséquences de leur non-utilisation.
9. Les parties devraient être autorisées à présenter des preuves électroniques dans leur format électronique original, sans qu’il soit nécessaire d’en fournir une version imprimée.
 
Collecte, saisie et transmission
10. Les preuves électroniques devraient être collectées de manière appropriée et sûre, et transmises aux juridictions au moyen de services fiables, comme les services de confiance.
11.Comme le risque de destruction ou de perte éventuelle est plus élevé pour les preuves électroniques que pour les preuves non électroniques, les États membres devraient mettre en place des procédures de saisie et de collecte des preuves électroniques qui soient sûres.
12. Les juridictions devraient avoir conscience des problèmes particuliers qui se posent à l’occasion de la saisie et de la collecte des preuves électroniques à l’étranger, notamment dans les affaires transfrontières.
13. Les juridictions devraient coopérer au recueil transfrontière de preuves. La juridiction qui fait l’objet de la demande devrait informer la juridiction qui adresse cette demande de toutes les conditions, y compris des restrictions, auxquelles est soumise la collecte de preuves par la juridiction sollicitée.
14. Les preuves électroniques devraient être collectées, organisées et gérées de manière à faciliter leur transmission à d’autres juridictions, en particulier aux juridictions d’appel.
15. Il convient d’encourager et de faciliter la transmission des preuves électroniques par des moyens électroniques afin d’améliorer l’efficacité des procédures judiciaires.
16.Les systèmes et les dispositifs utilisés pour la transmission des preuves électroniques devraient être en mesure d’en préserver l’intégrité.
 
Pertinence
17. Les juridictions devraient prendre part à la gestion active des preuves électroniques pour, en particulier, éviter la production ou la demande excessive ou spéculative de preuves électroniques.
18. Les juridictions peuvent demander à des experts d’analyser des preuves électroniques, notamment lorsque des questions complexes sont soulevées en matière de preuve ou en cas d’allégations de manipulation des preuves électroniques. Il devrait appartenir aux juridictions de juger si ces experts disposent d’une expertise suffisante en la matière.
 
Fiabilité
19. En matière de fiabilité, les juridictions devraient prendre en compte tous les facteurs pertinents à propos de la source et de l’authenticité des preuves électroniques.
20. Les juridictions devraient avoir conscience de l’intérêt que présentent les services de confiance pour établir la fiabilité des preuves électroniques.
21.Dans la mesure où le système juridique national le permet, et sous réserve de l’appréciation de la juridiction, les données électroniques devraient être admises à titre de preuve, sauf si l’une des parties conteste l’authenticité de ces données.
22.Dans la mesure où le système juridique national le permet, et sous réserve de l’appréciation de la juridiction, les données électroniques devraient bénéficier d’une présomption de fiabilité, sous réserve que l’identité du signataire puisse être validée et que l’intégrité des données puisse être assurée, à moins qu’il n’existe des motifs raisonnables de penser le contraire.
23. Lorsque la législation applicable accorde une protection spéciale à des catégories de personnes vulnérables, cette législation devrait primer sur les présentes lignes directrices.
24. Dans la mesure où le système juridique national le prévoit, lorsqu’une autorité publique transmet des preuves électroniques indépendamment des parties, leur contenu a valeur probante, sauf démonstration du contraire.
 
Stockage et conservation
25. Les preuves électroniques devraient être stockées de manière à en préserver la lisibilité, l’accessibilité, l’intégrité, l’authenticité, la fiabilité et, le cas échéant, la confidentialité et le respect de la vie privée.
26. Les preuves électroniques devraient être stockées accompagnées de métadonnées normalisées, de manière à préciser clairement le contexte de leur production.
27. La lisibilité et l’accessibilité des preuves électroniques stockées devraient être garanties dans le temps, en tenant compte de l’évolution des technologies de l’information.
 
Archivage
28. Les juridictions devraient archiver les preuves électroniques conformément à la législation nationale. Les archives électroniques devraient satisfaire à toutes les exigences de sécurité et garantir l’intégrité, l’authenticité, la confidentialité et la qualité des données ainsi que le respect de la vie privée.
29. L’archivage des preuves électroniques devrait être effectué par des spécialistes qualifiés.
30. Afin de préserver l’accessibilité des preuves électroniques, les données devraient, au besoin, être transférées vers de nouveaux supports de stockage.


Sensibilisation, suivi, formation et éducation
31. Les États membres devraient promouvoir la sensibilisation aux avantages et à l’intérêt des preuves électroniques dans les procédures civiles et administratives.
32. Les États membres devraient assurer un suivi des normes techniques relatives aux preuves électroniques.
33. Tous les professionnels confrontés à des preuves électroniques devraient avoir accès à la formation interdisciplinaire nécessaire sur le traitement de ces preuves.
34. Les juges et les praticiens du droit devraient avoir conscience de l’évolution des technologies de l’information susceptibles d’avoir des répercussions sur la disponibilité et l’intérêt des preuves électroniques.
35. L’enseignement du droit devrait comporter des modules consacrés aux preuves électroniques.
 
Source : Actualités du droit