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Indemnisation de la victime par ricochet d’un homicide involontaire : préjudice d’affection distinct des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent

Pénal - Procédure pénale
Civil - Responsabilité
04/04/2019
La sœur d’une victime décédée, constituée partie civile, peut-elle cumuler une somme au titre de son préjudice d’affection, avec celles allouées au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent ? Pour la Chambre criminelle, c’est oui !
Les faits à l’origine de la décision sont les suivants. En 2013, un homme circulant à moto est percuté par un véhicule qui prend la fuite. La victime décède des suites de ses blessures. Le conducteur est poursuivi et renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d’homicide involontaire. En raison du défaut d’assurance du conducteur, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), intervient auprès des ayants droit de la victime principale. Un accord est trouvé entre le FGAO et les parents de la victime, pour l’indemnisation de leurs préjudices. En revanche, la sœur de la victime n'accepte pas l’offre d’indemnisation présentée par celui-ci sur la base d’un rapport d’expertise psychiatrique amiable contradictoire.

En 2017, le tribunal correctionnel entre en voie de condamnation pour homicide involontaire. Statuant sur l’action civile, il reçoit la constitution de partie civile. Le conducteur est déclaré entièrement responsable du dommage de la sœur de la victime et le condamne au versement de sommes en raison du préjudice patrimonial et du préjudice extra-patrimonial subis. Une partie de la somme globale lui est accordée au titre du préjudice d’affection. Le FGAO et la partie civile interjettent appel sur les intérêts civils ; le conducteur relève appel des dispositions tant pénales, que civiles.

La cour d’appel de Paris confirme le jugement en ce qu’il a retenu, au bénéfice de la partie civile, un préjudice au titre du pretium doloris, du déficit fonctionnel permanent et un préjudice d’affection distinct de ceux-ci.

Un pourvoi en cassation est formé par le FGAO, notamment au motif que si le juge peut allouer à la victime par ricochet une somme au titre du préjudice d’affection en plus de celles déjà allouées au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent, c’est à la condition de caractériser une atteinte qui n’est pas déjà réparée au titre de ces postes de préjudice. Or le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés est inclus dans les postes des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent, quelle que soit l’origine desdites souffrances. Dès lors, c’est à ce titre exclusivement, que le retentissement pathologique du deuil des proches de la personne décédée peut être indemnisé lorsqu’il se manifeste par une dépression réactionnelle justifiant une réparation des victimes par ricochet à ce titre. La cour d’appel ne pouvait donc pas retenir que la sœur de la victime décédée pouvait cumuler une somme au titre de son préjudice d’affection avec celles allouées au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation valide l’analyse des juges du fond : en caractérisant « un préjudice d’affection causé par les conséquences pathologiques du deuil, distinct du préjudice résultant de l’atteinte à l’intégrité psychique consécutive au décès de son frère, réparé au titre des souffrances endurées (SE) et du déficit fonctionnel permanent (DFP), la cour d’appel n’a pas indemnisé deux fois le même préjudice et a assuré une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ».
Source : Actualités du droit