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Vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété : validité d’une saisie-attribution sur le prix de l’usufruit

Civil - Procédure civile et voies d'exécution, Immobilier
21/05/2019

Il n'y a pas d'indivision quant à la propriété de l'immeuble entre l'usufruitier et le nu-propriétaire qui sont titulaires de droits différents et indépendants l'un de l'autre ; il importe peu que la nue-propriété fasse elle-même l’objet d’une indivision et que l’un des co-indivisaires se trouve être l’usufruitier ; aussi, en pareille hypothèse mettant en cause un conjoint survivant et un héritier, le conjoint survivant étant seul titulaire de l’usufruit de l’appartement saisi, le prix de cet usufruit, qui n’est pas indivis, peut valablement être saisi pour avoir paiement d’une dette qui lui est propre.

Telle est la solution qui se dégage d’un arrêt rendu le 15 mai 2019 (déjà en ce sens, à propos d’une saisie-arrêt à l’encontre de l’usufruitier : Cass. 2e civ., 18 oct. 1989, n° 88-13.878).

En l’espèce, une SCI avait été déclarée adjudicataire de biens immobiliers dépendant de l'indivision existant entre une conjointe survivante, ayant droit dans la succession de son conjoint d'un quart en pleine propriété et de la totalité en usufruit, et son beau-fils, nu-propriétaire des trois quarts de la succession ; une ordonnance avait condamné l’épouse survivante à payer une indemnité d'occupation à la société ; cette dernière avait fait pratiquer une saisie-attribution sur la portion du prix correspondant à la valeur de l’usufruit, à concurrence du montant de sa créance, entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, séquestre du prix d'adjudication.

Pour en ordonner la mainlevée, après avoir énoncé que, selon l'article 815-17 du Code civil, les créanciers personnels d'un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles, la cour d’appel avait retenu que l’épouse survivante, ayant droit dans la succession de son conjoint d'un quart en pleine propriété et de la totalité en usufruit, était en indivision avec le nu-propriétaire des trois quarts de la succession, de sorte que la société, créancière personnelle de celle-ci et non de la succession, ne pouvait saisir les fonds dépendant de l'indivision et devait attendre le partage.

Le raisonnement est censuré, au visa des articles 578, 621, alinéa 1 et 815-17 du Code civil, par la Cour suprême qui énonce que, par suite de la vente de l'immeuble, l’épouse survivante avait, sur le prix total, un droit propre à la portion correspondant à la valeur de son usufruit, sur laquelle la saisie pouvait être valablement pratiquée.

Par Anne-Lise Lonné-Clément

Source : Actualités du droit