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Incompétence du juge judiciaire pour prononcer le maintien de soins vitaux

Public - Santé
Civil - Personnes et famille/patrimoine
30/06/2019
Le droit à la vie n’entre pas dans le champ de l’article 66 de la Constitution de 1958, qui fait du juge judiciaire le gardien de la « liberté individuelle » ; dès lors, le refus de l’État d’ordonner le maintien des soins vitaux prodigués à un patient ne constitue pas une atteinte à la liberté individuelle.

Les faits de l’espèce sont tristement célèbres. Rappelons néanmoins, à titre liminaire, les circonstances qui ont donné lieu à l’arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation.
Le 24 avril 2019, le Conseil d’État juge que la décision d’arrêt des soins est légale et le 30 avril, la Cour européenne des droits de l’homme rejette, à son tour, la demande des parents, du demi-frère et d’une sœur du patient visant à ce que la France suspende la décision d’arrêt des soins. Ces derniers saisissent alors le 3 mai le comité des droits des personnes handicapées de l’ONU qui donne 6 mois à la France pour présenter ses observations sur le dossier et demande que les soins se poursuivent jusqu’à ce qu’il ait pu examiner la réponse de l’État français. Le 7 mai 2019, l’État français répond au comité de l’ONU qu’il n’est pas en mesure de réclamer le maintien des soins. Le 17 mai 2019, le tribunal de grande instance, saisi par les parents se déclare incompétent pour ordonner à l’État de prendre les mesures demandées par le comité de l’ONU et estime que l’État n’est pas l’auteur d’une voie de fait. Toutefois, le 20 mai, la cour d’appel, au contraire du TGI, se déclare compétente, considérant que l’État est l’auteur d’une voie de fait. Elle condamne ainsi l’État français et l’ordonne de prendre toutes les mesures provisoires demandées par le comité de l’ONU. Les soins apportés au patient sont donc maintenus. Le 31 mai 2019, l’État, le ministère des Solidarités et de la Santé, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, le CHU et le docteur qui avaient pris la décision d’arrêter les soins se pourvoient en cassation.

La question posée à la Cour de cassation était la suivante : l’État français est-il l’auteur d’une voie de fait (c’est-à-dire porte-il une atteinte à la liberté individuelle qui n’est manifestement pas rattachée à un pouvoir lui appartenant) lorsqu’il refuse d’ordonner le maintien des soins vitaux prodigués au patient le temps nécessaire au comité des droits des personnes handicapées de l’ONU d’examiner le dossier ? 

L’Assemblée plénière juge que le droit à la vie n’entre pas dans le champ de l’article 66 de la Constitution de 1958, qui fait du juge judiciaire le gardien de la « liberté individuelle ». Partant, le refus de l’État d’ordonner le maintien des soins vitaux prodigués à un patient ne constitue pas une atteinte à la liberté individuelle.

 Elle rappelle que le Code de la santé publique prévoit la possibilité pour un CHU, sous certaines conditions, de cesser de prodiguer à un patient des soins vitaux. La justice administrative a validé la décision du CHU en charge du patient d’arrêter les soins. La Cour européenne des droits de l’homme a conforté la France dans son analyse. Dès lors, en refusant d’ordonner le maintien des soins demandé par le comité de l’ONU, l’État n’a pas pris une décision qui dépasse manifestement les pouvoirs lui appartenant. Aucun des éléments constitutifs de la voie de fait n’est réuni : le juge judiciaire n’est donc pas compétent dans cette affaire.

Dans ces conditions, la Cour de cassation n’avait pas à se prononcer sur le caractère contraignant ou non d’une demande de mesure provisoire formulée par le comité des droits des personnes handicapées de l’ONU.

Elle casse l’arrêt de la cour d’appel sans renvoyer l’affaire devant un nouveau juge. Et, elle déclare la juridiction judiciaire incompétente.


 
Source : Actualités du droit