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Délit de contrefaçon : l’impossible cumul de la réparation au titre des responsabilités civile et pénale

Affaires - Immatériel, Commercial
03/07/2019
La Cour de cassation rappelle qu’un préjudice résultant d’une contrefaçon ne peut être indemnisé deux fois, à titre de la responsabilité civile et de la responsabilité pénale de son auteur.
Le tribunal correctionnel a condamné une personne du chef de contrefaçon en bande organisée au préjudice du Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP), pour avoir mis en vente des matelas présentés sous une marque contrefaite : la croix verte et le caducée pharmaceutique. Le contrefacteur a versé à la partie civile la somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral. Le CNOP a alors fait appel de cette décision. La cour d’appel a infirmé ce jugement. Par conséquent, le contrefacteur a été condamné à verser la somme totale de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Une atteinte à une marque renommée, pouvant fondée la mise en œuvre de la responsabilité civile. L'action civile consiste à demander un dédommagement financier en réparation de son préjudice. C'est la voie la plus fréquemment empruntée, notamment parce qu'il existe des juridictions spécialisées qui ont l'habitude d'évaluer le montant du préjudice (souvent en faisant intervenir des experts) par l'analyse comptable et technique des faits.
Pour rappel, l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle indique que : « la reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ».
 
Un délit de contrefaçon avéré, donnant lieu à la réparation du préjudice par le jeu de la responsabilité pénale. L'intérêt de l'action pénale est double : elle permet de déclencher une enquête de police (et, parfois, d'obtenir des éléments nouveaux permettant de remonter d'éventuelles filières), mais également d'obtenir la condamnation du contrefacteur à une peine d'amende et/ou de prison. Cette voie d'action est moins pratiquée que la voie civile. Toutefois, certaines entreprises agissent systématiquement au pénal car elles estiment que la sanction pénale est plus dissuasive pour les contrefacteurs.

En l'espèce, se fondant sur le double visa des articles L. 716-14 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version issue de la loi n° 2007/1544 du 29 octobre  2007, et 1240 du code civil, la Cour de cassation rappelle que: « le préjudice résultant du délit de contrefaçon doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties, en prenant en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte ».
 
Le non-cumul des responsabilités et l’impossibilité d’indemnisé un préjudice deux fois. La Cour de cassation souligne « qu’en statuant ainsi, alors que d’une part, la responsabilité du prévenu, condamné du chef de contrefaçon aggravée au préjudice du CNOP, ayant été reconnue, l’article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle est seul applicable pour fixer les dommages et intérêts dus à la partie civile, d’autre part la dépréciation et la banalisation de la marque constituent des préjudices résultant de l’atteinte portée à sa renommée et à son caractère distinctif et ne peuvent être indemnisés deux fois , la cour d’appel a méconnu les textes susvisés ».

La Haute juridiction procède à une cassation et renvoie l’affaire devant la cour d’appel.  

Pour tout complément sur la poursuite de la contrefaçon, se référer aux articles n° 2416 et suivants, de l’édition 2019 du Lamy Droit commercial.
 
Source : Actualités du droit