Retour aux articles

La Vespa LX contre le scooter "made in China" : pas de confusion possible

Affaires - Immatériel
26/09/2019
Le tribunal de l’Union européenne a confirmé la validité du dessin ou modèle communautaire destiné à être incorporé à un scooter chinois, rejetant ainsi le recours en nullité formé par la société italienne Piaggio qui lui contestait tout caractère individuel au regard du dessin ou modèle "Vespa LX", reprenant les mêmes caractéristiques que celles de la mythique Vespa… De par les impressions globales différentes produites par les dessins ou modèles en cause, il n’existe, entre les deux scooters, aucun risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.
On entend par "dessin ou modèle" l’apparence d’un produit que lui confèrent, notamment, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, etc., du produit lui-même et/ou de son ornementation.
 
Aux termes de l’article 25, § 1, du règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001, un dessin ou modèle communautaire peut être déclaré nul notamment :
— b) s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 du règlement (nouveauté ; caractère individuel ; divulgation ; respect de l’ordre public) ;
— e) s’il est fait usage d’un signe distinctif dans un dessin ou modèle ultérieur et que le droit communautaire ou la législation de l’État membre concerné régissant ce signe confère au titulaire du signe le droit d’interdire cette utilisation ;
— f) si le dessin ou modèle constitue une utilisation non autorisée d’une œuvre protégée par la législation sur le droit d’auteur d’un État membre.
 
Bataille de designers sur le marché des motocycles
 
La société chinoise Zhejiang Zhongneng avait présenté à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), le 19 novembre 2010, une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire destiné à être incorporé à un scooter – produit relevant de la classe 12-11 de la classification de Locarno en tant que sous-catégorie de la catégorie "Cyclomoteurs et motocycles" – ; dans sa demande, cette société avait invoqué un droit de priorité fondé sur une demande d’enregistrement antérieure déposée auprès de l’autorité chinoise le 13 juillet 2010. Le dessin ou modèle avait été enregistré le 19 novembre 2010.
 
Le 6 novembre 2014, la société italienne Piaggio & C. avait introduit auprès de l’EUIPO une demande en nullité du dessin ou modèle ci-dessus pour les produits de la classe 12-11, son action étant fondée sur l’article 25, § 1, b), e) et f), du règlement (CE) n° 6/2002 précité. La société italienne faisait valoir que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté et de caractère individuel au regard du dessin ou modèle antérieur commercialisé sous la dénomination Vespa LX, divulgué à compter de 2005, et présentant les caractéristiques de la forme tridimensionnelle du scooter Vespa créé dans les années 1945-1946 ; par ailleurs, ce dessin ou modèle antérieur était protégé, en Italie, en tant que "marque de fait" tridimensionnelle non enregistrée. La société Piaggio faisait également valoir que le dessin ou modèle antérieur était protégé en tant qu’œuvre de l’esprit par les droits d’auteur italien et français.
 
Par décision du 19 janvier 2018, la troisième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté la demande en nullité de Piaggio, laquelle a alors formé un recours devant le tribunal de l’Union européenne.
 
Différence d’impression globale produite par chacun des scooters
 
Dans la mesure où la requérante a choisi, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins et modèles, le scooter Vespa LX, l’impression globale produite par celui-ci doit être comparée à celle du scooter de la société Zhejiang.
 
Constat étant fait que le scooter chinois est dominé par des lignes substantiellement anguleuses alors que le scooter italien privilégie des lignes arrondies, que les caractéristiques de forme spécifiques au scooter italien ne se retrouvent pas dans le scooter chinois et que les différences qui les séparent sont nombreuses et significatives, les dessins ou modèles en cause véhiculent par conséquent des impressions globales différentes auprès de l’utilisateur averti, "auquel doivent être attribuées une vigilance et une sensibilité particulières, notamment en ce qui concerne le design et l’esthétique des produits concernés".
 
Le dessin ou modèle contesté n’est donc pas dépourvu de caractère individuel, au sens de l’article 6 du règlement (CE) n° 6/2002, au regard du dessin ou modèle antérieur.
 
Aucun risque de confusion dans l’esprit du public pertinent
 
La société Piaggio invoquant, par ailleurs, la nullité du dessin ou modèle chinois en ce que celui-ci ferait usage de la marque antérieure tridimensionnelle non enregistrée correspondant au scooter Vespa LX, le juge examine la situation en prenant en considération le consommateur moyen, relevant du public pertinent intéressé par les scooters, et qui fait son choix d’achat également sur la base de considérations esthétiques : ce consommateur moyen, faisant preuve d’un niveau d’attention élevé, percevra le style, les lignes et l’aspect qui caractérisent le scooter italien comme différents, sur le plan visuel, de ceux du scooter chinois.
 
Ainsi, en raison de cette différence d'impressions visuelles et de l’importance que revêt l’esthétique dans le choix qu’effectue le consommateur moyen, ce dernier exclura qu’il soit fait usage de la marque antérieure dans le dessin ou modèle contesté, malgré l’indenté des produits concernés. La chambre de recours a donc estimé à juste titre qu’il n’existait aucun risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

Aucune violation des droits d’auteur
 
Enfin, la société Piaggio soutient, sur le fondement de l’article 25, § 1, f), du règlement (CE) n° 6/2002, que l’œuvre de l’esprit – la forme Vespa –, protégée par les droits d’auteur italien et français, est indûment utilisée dans le scooter de la société Zhejiang.
 
Le scooter Vespa LX est susceptible d’être protégé en tant qu’expression concrète du noyau artistique et créatif de la Vespa originelle dans la mesure où il possède un aspect global spécifique et une forme particulière dotée d’un caractère "arrondi, féminin et vintage". Ces caractéristiques ne se retrouvant pas dans le scooter chinois – les impressions se dégageant de l’œuvre étant différentes –, l’arrêt conclut que le modèle de scooter correspondant à la Vespa LX ne fait pas l’objet d’une utilisation non autorisée dans le dessin ou modèle contesté.
 
Le recours de la société Piaggio est rejeté.
 
Pour des compléments sur la protection des dessins et modèles communautaires, se reporter aux nos 2369 et s. de l’édition 2019 du Lamy droit commercial.
Source : Actualités du droit