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Contrefaçon, droit d’auteur et recevabilité de l’action en concurrence déloyale

Affaires - Immatériel
03/10/2019
La Cour de cassation applique dans ce contentieux la règle bien connue selon laquelle pour être accueillie, l'action en concurrence déloyale doit être fondée sur des actes distincts de ceux sanctionnés au titre de la contrefaçon.
La société Barbara Bui, invoquant des droits d'auteur sur six modèles de vêtements et des droits sur des dessins et modèles communautaires non enregistrés sur cinq d'entre eux, a assigné la société RT international en contrefaçon et pour actes de concurrence déloyale et parasitisme.
Celle-ci reproche  à l'arrêt d’appel de l’avoir condamnée à payer à la société Barbara Bui la somme de 500 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la contrefaçon de certains de ses modèles.

Pour la condamner pour concurrence déloyale et parasitisme, il a retenu que la reproduction systématique par celle-ci de six modèles de la société Barbara Bui au cours de l'année 2014 et la reproduction de l'un d'eux sur la première page du « lookbook spring summer 2014 » visent à l'évidence à se placer dans le sillage de la société Barbara Bui et à induire en erreur la clientèle féminine de ces produits de mode. 

Il a ajouté que le préjudice causé à la société Barbara Bui résulte du détournement des investissements réalisés concernant les six modèles contrefaits et de l'atteinte à l'image de marque auprès de la clientèle. 

Ce n’est pas la position de la Cour de cassation qui censure ledit arrêt au visa de l'article 1382, devenu 1240, du Code civil au motif suivant : « en se déterminant ainsi, sans caractériser d'actes distincts de ceux déjà retenus au titre de la contrefaçon de ces six modèles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ».

Ce contentieux nous donne l'occasion de rappeller que les deux actions en contrefaçon et en concurrence déloyales sont distinctes. Ainsi, la première est ouverte à celui qui est titulaire d’un droit privatif sur un signe ou une création auquel il a été porté atteinte. Elle est régie par les dispositions du Code de la propriété intellectuelle. Lorsqu’il est saisi, le juge vérifie que le droit dont se prévaut le plaignant est valablement protégé, et il statue sur l’atteinte portée à ce droit protégé. La contrefaçon existe du seul fait de l’atteinte au droit privatif, indépendamment de toute faute ou préjudice (voir par ex. Cass. 1è civ., 11 mai 2017, RLDI 2017/138, n°5006). 

L’action en concurrence déloyale obéit à une logique différente. Elle est volatile et n’appartient à personne, conséquence du principe de la liberté du commerce.Le juge saisi d’agissements déloyaux va sanctionner une conduite d’abus dans l’exercice par l’auteur des agissements reprochés de cette liberté du commerce. Le plaignant doit prouver la faute de son concurrent. Il en résulte que l’action en concurrence déloyale ne protège pas un signe ou une création en soi, mais l’entreprise. Elle est fondée sur l’article 1240 du Code civil qui pose le principe selon lequel tout acte fautif et préjudiciable engage la responsabilité de son auteur. Sur le fondement de cette disposition, les juges sanctionnent les actes de concurrence déloyale et de parasitisme comme par exemple la copie servile d'un produit commercialisé par une tierce entreprise susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle (voir par ex., Cass. com. 3 mai 2016, RLDI 2016/127,  n°3989 ; Cass.1è civ., 22 juin 2017, RLDI 2017/139, n°5024).
Source : Actualités du droit