Retour aux articles

Finie la responsabilité automatique du transporteur en cas d’incident dans un train !

Civil - Responsabilité
17/12/2019
Revirement de la Cour de cassation : en application du droit européen, le transporteur peut être déchargé de sa responsabilité lorsque le voyageur a commis une faute.
Jusqu'à présent, le seul fait de ne pas conduire le voyageur sain et sauf à destination, c'est-à-dire de ne pas atteindre le résultat, constituait une inexécution contractuelle permettant d'engager la responsabilité contractuelle du transporteur. La faute du voyageur n'avait pas d'effet exonératoire, sauf force majeure. La Cour de cassation, dans un arrêt du 11 décembre 2019, revient sur ce principe.

Faits et procédure. - Une passagère munie d'un titre de transport, circulant debout dans un train bondé et se tenant au dormant de la porte, côté charnière, a le pouce écrasé à la suite de la fermeture de la porte automatique. Elle assigne la SNCF aux fins de la voir déclarée entièrement responsable de son préjudice et condamnée à lui payer une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
 
La SNCF condamnée sur la base de l’article 1147 du Code civil (devenu 1231-1), se pourvoit en cassation. Elle invoque une disposition du droit européen (régl. (CE) n° 1371/2007, Parl. et Cons., 23 oct. 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires, art. 11), ayant pour effet de limiter l’indemnisation de la victime qui a commis une faute, même légère, par rapport au droit français, plus exigeant sur les facultés d'exonération du transporteur.
 
Solution. - Au visa des articles 11 du règlement CE n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007, et 26 de son annexe I, L. 2151-1 du Code des transports et 1147 du Code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016–131 du 10 février 2016), l’arrêt est cassé. Les dispositions du règlement européen devaient s’appliquer.
 
La Cour de cassation rappelle la jurisprudence constante rendue au visa du dernier de ces textes selon laquelle « le transporteur ferroviaire, tenu envers les voyageurs d'une obligation de sécurité de résultat, ne peut s'exonérer de sa responsabilité contractuelle en invoquant la faute d'imprudence de la victime que si cette faute, quelle qu'en soit la gravité, présente les caractères de la force majeure (Cass. 1re civ., 13 mars 2008, n° 05-12.551, Bull. civ. I, n° 76 ; Cass. ch. mixte, 28 nov. 2008, n° 06-12.307, Bull. civ. I, n° 3) ».
 
Elle ajoute que, « toutefois, aux termes du premier, sans préjudice du droit national octroyant aux voyageurs une plus grande indemnisation pour les dommages subis, la responsabilité des entreprises ferroviaires relative aux voyageurs et à leurs bagages est régie par le règlement ».
 
« Et selon le deuxième, le transporteur est responsable du dommage résultant de la mort, des blessures ou de toute autre atteinte à l'intégrité physique ou psychique du voyageur causé par un accident en relation avec l'exploitation ferroviaire survenu pendant que le voyageur séjourne dans les véhicules ferroviaires, qu'il y entre ou qu'il en sorte et quelle que soit l'infrastructure ferroviaire utilisée. Il est déchargé de cette responsabilité dans la mesure où l'accident est dû à une faute du voyageur ».
 
« Ces dispositions, entrées en vigueur le 3 décembre 2009, sont reprises à l'article L. 2151-1 du Code des transports, lequel dispose que le règlement n° 1371/2007 s'applique aux voyages et services ferroviaires pour lesquels une entreprise doit avoir obtenu une licence conformément à la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen. »
 
« Il en résulte que le transporteur ferroviaire peut s'exonérer de sa responsabilité envers le voyageur lorsque l'accident est dû à une faute de celui-ci, sans préjudice de l'application du droit national en ce qu'il accorde une indemnisation plus favorable des chefs de préjudices subis par la victime. »
 
« Il y a lieu, en conséquence, de modifier la jurisprudence précitée. »
 
La Haute juridiction conclut que « les dispositions du règlement devaient recevoir application ; la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Remarque : la détermination du montant de l’indemnisation continue à relever du droit national si celui-ci est plus favorable à la victime.
 
Pour en savoir plus, v. :
– Le Lamy droit de la responsabilité, nos 279-37 et 468-37 et s.
– Le Lamy Droit du contrat, n° 2059.
– notre prochain commentaire dans la Revue Lamy Droit civil.
Source : Actualités du droit