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La proposition de loi « Cyberhaine » profondément modifiée par le Sénat

Affaires - Immatériel
18/12/2019
Alors que la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet présentée par la députée LREM Laetitia Avia avait été largement adoptée par les députés le 9,juillet dernier, elle a été très profondément modifié par les sénateurs.
Le Sénat a procédé le 17 décembre, à l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre la haine en ligne, dont il partage « les objectifs », mais dont il a voulu supprimer, au nom de la liberté d’expression, sa mesure phare qui est l'obligation pour les plateformes de retirer sous 24 heures les contenus « manifestement » illicites.

En présentant le texte, Cédric O., secrétaire d’Etat au Numérique, avait souligné que « rares sont les textes qui répondent à un besoin aussi pressant et une demande aussi forte de nos concitoyens ». Il avait également précisé qu’Internet et les réseaux sociaux « peuvent être de formidables vecteurs de démocratie et de connaissance (…) mais peuvent être aussi synonymes du pire ».

On rappellera que le texte adopté par les députés prévoyait que plateformes et moteurs de recherche auraient l’obligation de retirer les contenus « manifestement » illicites sous 24 heures, sous peine d’être condamnés à des amendes jusqu’à 1,25 million d’euros. 

Cette mesure phare avait été supprimée par la commission des lois du Sénat le 11 décembre dernier, qui avait pointé un risque de « surcensure » et la crainte que des contenus licites soient retirés « par excès de prudence ».

 « Tous ici nous partageons l’objectif de ce texte, lutter contre la haine en ligne », a assuré le rapporteur LR Christophe-André Frassa. Les sénateurs ont cependant voulu mettre dans la balance la liberté d’expression, invoquant un risque de « surcensure » et le droit européen.
Ainsi, il n’est pas question de confier aux plateformes « la police de la pensée et de l’expression », avait affirmé Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis de la commission de la Culture. 

A également été écartée par les sénateurs toute surveillance généralisée des réseaux, avec la suppression de l’obligation pour les plateformes d’empêcher la réapparition de contenus haineux illicites déjà retirés. 
On rappellera  que les sénateurs avaient approuvé en commission, tout en le précisant, le renforcement de la régulation des plateformes, et ce, sous la supervision du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Ils ont également donné leur feu vert aux mesures visant à favoriser une réponse judiciaire « rapide et proportionnée » ainsi qu’une meilleure prévention en milieu scolaire.

Les sénateurs ont encore complété le texte pour « lutter plus efficacement contre la viralité des contenus haineux » et « encourager l’interopérabilité » entre les plateformes ; l’objectif étant de permettre aux victimes « de se réfugier » sur une autre plateforme, en cas d’attaques en ligne, tout en gardant leurs données personnelles.
C'est par conséquent à un véritable détricotage du texte auquel ont procédé les sénateurs.

Le gouvernement ayant enclenché la procédure accélérée, députés et sénateurs doivent donc se réunir prochainement au sein d’une commission mixte paritaire afin de trouver un compromis.
A défaut le dernier mot sera donné par l’Assemblé nationale qui reviendra sans nul doute sur la version précédemment adoptée. A suivre…
 
Source : Actualités du droit